8 juin
2023
Rédigé par
Samantha Mur
Durée
x
min
Quels sont les secteurs et activités sur internet qui ont le plus d’impact ? Avec des technologies numériques de plus en plus intégrées à nos vies quotidiennes et des préoccupations environnementales grandissantes, la question mérite d’être posée. Comment ces nouvelles technologies affectent-elles concrètement les ressources naturelles, les écosystèmes et le climat ? Nous avons choisi d’examiner plus en détail l’empreinte écologique de cinq domaines d’activité utilisant le numérique qui ont le vent en poupe.
Aujourd’hui, la consommation du numérique est en forte hausse à l’échelle planétaire, ce qui a inévitablement un coût écologique. L'impact environnemental du numérique s’explique par la fabrication des matériaux et des composants informatiques, mais aussi les besoins énergétiques pour faire fonctionner les équipements numériques. Parmi les émissions de gaz à effet de serre générées par le numérique dans le monde, 37 % sont dues à la fabrication des appareils numériques (extraction des ressources, assemblage, transport et distribution) ; 38 % à l’utilisation des appareils numériques ; et 25 % aux infrastructures réseau et aux data centers (The Shift Project).
Le fonctionnement d’une plateforme ou d’un service web requiert, entre autres, le transfert et le stockage de données, la fabrication et la pose de câbles pour relier les data centers du monde entier, la consommation d’électricité pour la production et l’alimentation des équipements numériques, etc. On comprend que le numérique qui se veut dématérialisé dépend de (beaucoup de) matière et exerce une pression sur l’environnement et le vivant.<br>
Mais alors, suite à ce constat global, comment appréhender les impacts du numérique, plus précisément par secteur d’activité ? Cherchons dès à présent à comprendre le poids de ces 5 secteurs d’activité dans la balance environnementale !<br><br>
Le streaming, qui vient de l’anglais to stream (“diffuser en continu”) est une technologie qui permet de consommer des contenus audiovisuels en ligne grâce à des flux de lecture en continu, essentiellement de la vidéo, mais aussi des formats audios.
L’utilisation du streaming a connu une véritable explosion en l’espace de dix ans, tant et si bien qu’il occupe désormais une place majeure dans les habitudes des internautes à l’échelle mondiale. D’après le rapport Digital 2022: Global Overview Report publié par We Are Social et Hootsuite en janvier 2022, 51,5 % des internautes âgés entre 16 et 64 ans dans le monde ont utilisé internet pour visionner des vidéos fin 2021. Ce qui en fait la 4e raison de l’utilisation d’internet dans le monde, derrière la recherche générale d'informations, les communications interpersonnelles et la prise d'informations sur l’actualité (Source : Datareportal).
Autre chiffre marquant, 91,9 % des internautes âgés de 16 à 64 ans ont consulté au moins un contenu vidéo par semaine au troisième trimestre de 2021, tous types de contenus confondus :
Pour quels types d’usages exactement ?
Le streaming vidéo se répartit de la façon suivante :
- Consommation audiovisuelle linéaire via l'internet,
- Services de vidéo à la demande (VOD) par abonnement (tels que Netflix, Amazon Prime, etc.),
- Replay,
- Réseaux sociaux,
- Partage de vidéos par messagerie instantanée,
- Publicité au format vidéo, etc.
Banale et en apparence anodine, la consommation de vidéo en ligne n’est cependant pas indolore pour l’environnement : elle est à l’origine de l’exploitation des ressources naturelles, de la pollution d’écosystèmes et de la consommation d’une importante quantité d’énergie.
En effet, l’industrie du numérique de manière générale a besoin d’équipements numériques pour fonctionner, des ordinateurs aux smartphones, en passant par des câbles, des antennes, etc. Sans compter la nécessité d’extraire, de transporter et de transformer une quantité gigantesque de métaux et terres rares nécessaires pour la fabrication de toutes ces infrastructures, ce qui requiert de l’énergie. Et enfin, de l’électricité, des centres de données et du système réseau qui produisent les connexions et fonctionnent de manière ininterrompue 24 h/24. On comprend alors que l’usage de la vidéo en ligne participe à l’impact environnemental du secteur.<br>
En matière de consommation de bande passante d’internet, le streaming vidéo compte à lui seul pour 60 % des flux mondiaux de données sur internet en raison du poids des fichiers vidéo (source:Greenpeace). Cela est à l’origine d’un impact significatif sur l’environnement, car chaque vidéo en ligne, qu’elle soit hébergée sur YouTube ou sur une plateforme de VOD, nécessite le stockage de données dans des data centers.
Plusieurs études se sont penchées sur le coût écologique du streaming vidéo, avec toutefois des résultats divergents :
- En 2019, le groupe de réflexion français The Shift Project, dans son rapport Climat : l'insoutenable usage de la vidéo en ligne estimait à plus de 300 millions de tonnes d’équivalent CO2 générées en 2018 par la vidéo en ligne, par les : services de VOD (un tiers de ces émissions), sites pornographiques, plateformes de diffusion de vidéo comme YouTube ou Dailyomotion, vidéos hébergées sur les médias sociaux, etc. Rapporté à l’heure, ce chiffre équivaut à 3,2 kg d’eqCO2 (ou CO2e) par heure. Revoyant ses estimations à la baisse en juin 2020 suite à des erreurs de calculs, l’organisation estime la pollution moyenne du streaming à 400 g de CO2e par heure.
- En 2020, l'analyste numérique George Kamiya a publié une étude sur le site web de l'AIE (Agence internationale de l'énergie), d'abord publiée dans la revue Carbon Brief. L'étude actualisée de l'AIE suggère qu'une heure de streaming vidéo serait responsable d'une moyenne de 36g de CO2e dans le monde.
- En 2020, la directrice du développement de Netflix, Emma Stewart, avance que le visionnage d’une heure de vidéo en streaming émet 100 g de CO2e en moyenne.
Finalement, ce qu’on peut en conclure, c’est que l’impact du streaming vidéo est complexe à mesurer et peut varier fortement en fonction de plusieurs facteurs :
- Le terminal vidéo utilisé : les smartphones, les ordinateurs portables et les téléviseurs ne consomment pas la même quantité d'énergie. Selon Carbon Brief, un écran de télévision LED de 50 pouces consomme 100 fois plus d'énergie qu'un smartphone et 5 fois plus qu'un ordinateur portable. En revanche, un smartphone utilisant la 4G au lieu du Wi-Fi consomme jusqu'à 3 fois plus d'énergie qu'une télévision.
- La qualité de la vidéo choisie : plus la résolution de la vidéo regardée est haute, plus la quantité de données stockées augmente, et donc plus l’énergie est requise en grande quantité. Par exemple, l’ultra-HD va requérir 10 fois plus de données que la HDD (source : Courrier International).
- Le mix énergétique qui alimente les infrastructures : l’empreinte carbone du streaming vidéo est alourdie par l’utilisation importante d’énergies fossiles (gaz et charbon) pour le fonctionnement des data centres, selon leur emplacement géographique. En termes de consommation d’énergie lors du visionnage, cela a aussi une répercussion : en Australie, où l’énergie est encore fortement carbonée, une demi-heure de Netflix serait équivalente à 0,027 kg de CO2e émis, contre 0,009 kg au Royaume-Uni et 0,002 kg en France, dont l’énergie issue en partie du nucléaire, est plus décarbonée. Au niveau mondial, l’IEA estime qu’une demi-heure de Netflix correspond à l’émission de 0,018 kg de CO2e, soit 100 m parcourus en voiture thermique (source : Les Numériques).
Ils servent à s’informer, à échanger, à se divertir, à communiquer sur sa marque… Les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de nos quotidiens connectés et leur utilisation ne fait qu’augmenter.
En janvier 2023, on comptait près de 5,16 milliards d'internautes dans le monde, soit 64,4 % de la population mondiale. Parmi eux, 4,76 milliards étaient des utilisateurs actifs de médias sociaux (Source : statista).
Selon le rapport Digital 2022 : Global Overview Report publié par We Are Social et Hootsuite en janvier 2022, les internautes du monde entier passent en moyenne 6 heures 58 minutes sur internet, et 2 heures 27 minutes sur les réseaux sociaux (source : Datareportal), dont les plus populaires sont Facebook, YouTube et WhatsApp :
Avec le streaming vidéo, les réseaux sociaux comptent parmi les données numériques les plus consommées au monde. Or, avec leur utilisation en constante augmentation, leur impact environnemental pose un problème. Si la production des appareils numériques reste le principal poste d’émissions de CO2e, l’utilisation des médias sociaux est également une source de pollution numérique.
Ainsi, d’après uneétude réalisée par Greenspector en 2021, poster et consommer du contenu sur mobile aurait un impact carbone de :
165,6 g de CO2e par utilisateur et par jour (ce qui équivaut à parcourir 1,4 km dans un véhicule léger)
60 kg de CO2e par utilisateur et par an (équivalent à 535 km parcourus dans un véhicule léger)
Or, toutes les applications mobiles n’exercent pas la même pression sur l’environnement. Dans son étude, Greenspector a comparé l’impact carbone du fil d’actualité des 10 applications réseaux sociaux les plus populaires, à partir un smartphone S7 (Android 8) :
Selon un rapport de Greenpeace, certains géants des plateformes sociales s'engagent à utiliser davantage d'énergie verte et à réduire leur impact sur l'environnement, comme c'est le cas de YouTube, Instagram et Facebook.
L’industrie des jeux vidéo a commencé à prendre le virage du “cloud gaming”, un service de jeux en ligne qui ne nécessite plus de console ni de disque. En somme, une dématérialisation de l’expérience des gamers, qui n’ont plus besoin que d’une bonne connexion à Internet.
Avec moins de consoles de jeu, de PC et de disques pour jouer, qui nécessitent des matières premières, de l’énergie et du transport, l’impact environnemental semble à première vue allégé. Sauf que la dématérialisation, nous l’avons vu avec le streaming vidéo, ne permet pas automatiquement de réduire les émissions de CO2. En effet, l’impact du jeu vidéo en ligne peut être considéré sous plusieurs aspects :
- La consommation massive de données via le streaming : les ressources de calcul à la demande sont gérées par les data centers, et non plus par une console. Or, ces infrastructures sont énergivores et l’énergie qui les alimente est encore en grande partie d’origine carbonée dans le monde. Avec une demande en traitement des données en forte hausse, le développement massif du cloud gaming pourrait alourdir son impact environnemental.
- La taille et la performance des écrans : pour augmenter les expériences de jeu qui se perfectionnent, les écrans gagnent en performance et s’agrandissent. Or, cela implique une plus grande consommation d’énergie et un plus fort impact sur l’environnement. D’après un rapport de l’ADEME et de l’Arcep, les terminaux, et en particulier les écrans, sont à l'origine de 64 % à 92 % de l'empreinte environnementale du numérique en France, selon les critères étudiés (source : L'info durable).
- L’effet rebond : il peut être rassurant de constater que l’efficacité énergétique des data centers s’améliore et atténue leur empreinte écologique. Pourtant, avec un accès de plus en plus facilité et performant aux jeux dématérialisés, le nombre de joueurs pourrait décoller. Or, cette tendance à la démocratisation de cette pratique pourrait conduire à une consommation bien plus importante et annuler les économies d’énergie réalisées.
Près de 10,2 % des internautes dans le monde possédait une forme de cryptomonnaie au 3e trimestre de 2021 (source : Digital 2022: Global Overview Report).
Les conséquences pour l’environnement de ces monnaies virtuelles sont de plus en plus pointées du doigt. Pionnière du secteur, apparue en 2009 et ayant entraîné la création de milliers d’autres, le Bitcoin est la controversée des cryptomonnaies.
Selon une étude parue en septembre 2022 dans la revue scientifique Scientific Reports, le Bitcoin serait considéré comme un acteur majeur du dérèglement climatique, au même titre que certaines des industries les plus néfastes pour l’environnement. Cela est dû au fait que le Bitcoin est une monnaie virtuelle et décentralisée (qui n’est pas contrôlée par une banque centrale), gérée par un réseau d’ordinateurs implantés dans le monde entier, opérant en continu et en simultané un calcul complexe.
L'impact du bitcoin s'explique par les principaux facteurs suivants :
- Une monnaie virtuelle qui consomme beaucoup d'énergie : selon l'analyse de Selectra (mai 2022), la consommation d'énergie du bitcoin en un an équivaut à 112 TWH (térawattheures), soit plus que la consommation annuelle des Pays-Bas ! Si le bitcoin était un pays, sa consommation d'énergie se classerait au 31ᵉ rang mondial (sur 230) selon les données fournies par l'EIA.
- À un rythme croissant, la consommation mondiale d'énergie pour produire des bitcoins utilisera bientôt autant d'énergie que les centres de données du monde entier réunis (source : Selectra).
- Le minage, une activité émettrice de CO2 : le minage de Bitcoin a été responsable du rejet de 41 mégatonnes de CO2 dans l’atmosphère en 2021, soit 0,08 % des émissions au niveau mondial (source : Greenly). Si cela semble faible comparé à d’autres secteurs, l’engouement autour des cryptomonnaies peut faire redouter une accélération de son impact. À plus petite échelle, une étude de Selectra estime qu’un seul Bitcoin génère 168,9 tonnes de CO2, soit environ l’équivalent de 169 vols aller-retour entre Paris et New-York pour une personne !
- Les effets dérivés du minage de Bitcoin : une autre source de pollution engendrée par cette cryptomonnaie est le besoin de renouvellement des équipements numériques. Pourquoi ? Pour assurer la meilleure rentabilité et gérer une puissance de calcul en hausse constante, les fermes de minage s’équipent des composants informatiques les plus à la pointe de la technologie. Avec une utilisation très intensive et ininterrompue, la fréquence de leur remplacement est rapide, ce qui est problématique en matière de gestion des déchets électroniques, très polluants et encore peu recyclés à ce jour (source : Selectra).
Les campagnes publicitaires diffusées sur les canaux digitaux sont également à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre. Quelles sont les sources d’émissions liées à la création d’une campagne en ligne ?
Selon une étude menée par fifty-five sur l’empreinte carbone des campagnes publicitaires digitales, plusieurs aspects peuvent être considérés :
- Production : la phase de création publicitaire peut générer d'importantes émissions de gaz à effet de serre, notamment lorsqu'elle implique des déplacements de personnes et de matériel. L'impact dépend des moyens de transport utilisés, de la distance parcourue et du type de montage (la 3D peut augmenter l'impact) ;
- La diffusion : lors de la diffusion d’une campagne, c’est sans grande surprise la vidéo qui a un impact élevé. En effet, elle génère un plus grand volume de flux de données par rapport à une image ou à un texte, et requiert plus d’énergie sur les serveurs des centres de données, les réseaux et les appareils utilisateurs. Elle va dépendre du poids de la vidéo et du réseau utilisé par l’utilisateur entre Wi-Fi et réseau mobile.
- Ciblage : le ciblage est important d'un point de vue économique et en termes de qualité de l'expérience utilisateur, et il permet de limiter l'empreinte carbone d'une campagne. Avec peu ou pas de ciblage, une campagne de masse multipliera les impressions et les vues inutiles. De plus, des millions d'appels de serveurs inutiles seront générés via les réseaux programmatiques, car l'offre placée est trop faible pour remporter l'enchère.
Comme objet d’étude, fifty-five prend l’exemple d’une campagne publicitaire fictive, limitée aux canaux de diffusion numériques, dont elle dresse le bilan des émissions carbone :
On constate, sur cet exemple, que la production de la créa et la diffusion de la campagne génèrent quasiment le même volume de CO2.
En conclusion : des pistes pour limiter l'impact environnemental du numérique
Quel que soit le domaine d’activité, il est désormais nécessaire de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et sa consommation d’énergie, pour créer un avenir plus soutenable. Pour les entreprises, une telle démarche peut se traduire par :
- Mettre en œuvre une stratégie numérique responsable
- Diffuser les bonnes pratiques en matière d'utilisation de technologies numériques à faible consommation d'énergie et donc écologiquement vertueuses.
- Choix d'outils, de centres de données et de réseaux moins gourmands en énergie, etc.
En France, par exemple, cette démarche est encouragée au sein des organisations et des collectivités locales depuis le1er janvier 2022 par la Loi de la Réduction de l'Empreinte Environnementale du Numérique (REEN) du 15 novembre 2021, qui vise à sensibiliser aux impacts du numérique et à encourager la sobriété numérique.
Pour les services de marketing en particulier, voici quelques moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre de leurs campagnes et de s'orienter vers une stratégie de marketing plus durable:
- Établissez des priorités dans le choix des canaux de commercialisation, en fonction de ceux qui sont les plus pertinents pour votre public cible et les moins dommageables pour l'environnement (si nécessaire, évaluez l'impact des services fournis).
- Optez pour la modération éditoriale : créez des contenus ayant un impact et une pertinence accrus à long terme ("evergreen"), recyclez-les, publiez-les avec une régularité contrôlée pour éviter l'obésité de l'information et le gaspillage des ressources ;
- Réfléchissez à l'utilisation de la vidéo : est-elle nécessaire dans chacune de vos communications ? Peut-elle être remplacée par une image ou raccourcie ? Appliquez des bonnes pratiques simples et efficaces pour réduire l'impact des contenus visuels avant leur diffusion, comme la réduction du poids des vidéos ou l'optimisation du format vidéo en fonction de l'appareil utilisé (adaptive streaming) ;
- Optimiser le cycle de vie des contenus marketing, en se concentrant sur la production et l'utilisation des données numériques et sur l'énergie consommée à chaque étape du cycle.
Investir dans les bons outils marketing : les fonctionnalités de certaines applications peuvent être regroupées ou centralisées dans une solution unique, afin de limiter le nombre d'outils utilisés.
Par exemple, une plateforme de Digital Asset Management (DAM) vous permet de gérer, stocker, organiser, distribuer et archiver tous vos fichiers multimédias.